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MA MAISON SUR LA CÔTE D'AZUR
29 décembre 2012

ROBERTO ET LA CONSTITUTION

 

 

ROBERTO BENIGNI

 

Roberto Benigni, vous connaissez sans doute même sans être détenteur d'un passeport italien.

Le film La vie est belle (*) dont il est également le réalisateur, vous dit sûrement quelque chose. Benigni y joue un papa qui, déporté dans un camp de concentration avec sa petite famille juive, fait croire à son fils que leur condition de prisonniers des nazis n'est qu'un jeu avec un prix à la clé : un char d'assaut.

Après avoir obtenu le Grand Prix du Jury à Cannes, cette émouvante pellicule a été doublement oscarisée à Hollywood, et vous vous souvenez peut-être des mini-shows de cet artiste pas comme les autres lors de la remise de ces récompenses.

Le principal trait de caractère de Benigni est le sourire. Je crois ne l'avoir jamais vu se séparer pour plus de dix secondes de sa turbulente gaieté, une posture contagieuse qui le rend aussi reconnaissable que l'accent toscan dont il enrobe ses propos allant de la moquerie la plus lourde au sérieux le plus engagé.

C'est dans cette dernière catégorie que s'inscrit sa dernière performance en direct sur Rai Uno, il y a quelques jours, réunissant plus de 12 millions de téléspectateurs. Car, s'il est vrai que cet anti-berlusconien confirmé a consacré la première partie de l'émission au redouté retour du Cavaliere, le thème de ce one-man-show a été La più bella del mondo (la plus belle au monde) en entendant par là... la constitution italienne.

Il me faudrait bien plus que l'espace de ce billet pour exposer les motifs pour lesquels Benigni a bien raison, ainsi que pour résumer les deux heures d'émission pendant lesquelles l'infatigable Roberto a concrètement et poétiquement expliqué, point par point, l'admirable travail des « auteurs » de la loi fondamentale de la république italienne.

Soutenu par votre éventuelle confiance, je me limiterai donc à avouer qu'à la fin de ce spectacle, mon appréciation envers ce compatriote aussi artiste que conférencier a été, cette fois, franchement positive.

Et là, une précision s'impose. Si, en effet, je dis « cette fois », c'est parce que certaines exhibitions de Benigni à la télévision italienne (je pense notamment à des émissions de variétés, ou au Festival de la chanson de Sanremo) ont péché, selon moi, d'excès spectaculaires frôlant parfois la grivoiserie. Sans compter qu'attribuer à des personnages du spectacle (Benigni, mais aussi Adriano Celentano ou Beppe Grillo) les rôles de divulgateurs de littérature, d'histoire ou de politique, n'est pas sans (me) poser problème dans un pays ne manquant sûrement pas de spécialistes dans ces domaines.

Seulement, voilà : à la télévision, Benigni a remarquablement commenté la Divine Comédie de Dante Alighieri, contribuant ainsi à faire apprécier ce chef-d'œuvre de la littérature mondiale par le plus grand nombre ; au cinéma, La vita è bella est entré à juste titre dans l'histoire du Septième Art ; et, pour ce qui est de la constitution italienne, son explication mérite mon vingt sur vingt ne serait-ce que pour une raison capitale concernant, justement, son refus de la peine... capitale.

Si ce douloureux argument ne pouvait que susciter ma plus totale adhésion, c'est parce qu'il m'est arrivé de m'en occuper dans une autre vie ; et, dans celle-ci, de le traiter dans un billet paru dans mon ancien blog et figurant en version réduite parmi les Billets d'ailleurs que vous trouverez dans les archives (pour la version intégrale, voir La_peine_de_mort_dans_mon_blog).

Je suis fier, a dit Benigni, d'appartenir à un pays dont la constitution rejette (ripudia) la peine de mort. Je suis fier que ce pays ne dispose pas d'un lieu où l'on conduit quelqu'un pour le tuer, ni d'une personne payée à cet effet. Je suis fier de cette Italie qui a aboli la peine de mort bien avant d'autres pays que l'on croit pourtant plus civilisés...

En Italie, a conclu Benigni, seuls les assassins tuent.

Je partage entièrement sa fierté et sa conclusion.

Quant aux « assassins qui tuent » - mafieux, terroristes et autres délinquants ou déséquilibrés - on peut évidemment se demander, en Italie et ailleurs, comment réduire, sinon effacer, le nombre de leurs méfaits. Et s'il est vrai qu'une société peut aussi contribuer à "créer" des malfaiteurs, une lecture plus complète de la constitution devrait également clamer une urgence concernant ces médias que Benigni sait, la plupart du temps, utiliser fort à propos.

Cette urgence, c'est la nécessité d'une vraie réflexion sur certains moyens d'information et leurs effets sur leurs "consommateurs".

Car s'il est vrai que la constitution italienne est excellente et qu'elle traite - comme celles d'autres pays - des moyens de communication et de la liberté d'expression, une évidence s'impose : même dans les meilleures démocraties, trop de médias sont au service du vrai pouvoir, celui de l'argent.

Et c'est ce pouvoir, qui, par exemple, "suggère" à certaines télévisions ou à certains journaux de mettre à la une un exploit sportif au lieu d'un événement social ou politique, de promouvoir une star du show-biz plutôt qu'un intellectuel non formaté, ou de remplacer les enquêtes sur certains scandales par les pires faits divers. En évitant trop souvent, pour ces derniers, d'analyser les raisons profondes qui les génèrent : le culte de la consommation, la croissance à tout prix, la compétitivité exaspérée, le chantage du « marché » du travail, le chacun pour soi, la destruction des liens sociaux, l'exclusion. Sans compter le refus de l'« autre » à qui l'on attribue sa propre déchéance, ou le repli dans un nationalisme-régionalisme intolérant et xénophobe.

De tels choix rédactionnels n'élèvent, de toute évidence, ni l'esprit critique de n'importe quel peuple, ni son niveau d'éducation civique et morale...

Est-il alors si grave, pour transmettre un peu de culture et de valeurs démocratiques à ce "public" gavé de fausses valeurs et d'information-spectacle, de faire confiance à un homme... de spectacle ?

Benigni, lui, considère donc que la constitution italienne est la più bella del mondo, appréciation plus que positive et tout à fait justifiée.

Mais on pourrait alors se demander pourquoi l'Italie n'est pas, notamment du point de vue politique, le meilleur pays au monde ou, du moins, ce paese normale dont beaucoup d'Italiens continuent à juste titre de rêver.

Cette belle constitution ne serait-elle donc que théorique ?

Le fait est que fra il dire e il fare c'è di mezzo il mare (entre ce qu'on dit et ce qu'on fait, il y a la mer) et que sur cette mer naviguent depuis trop longtemps, hélas, les yachts des mafias, des réseaux, des services secrets étrangers, d'une certaine politique, de certains médias, de toute sorte de corrupteurs et corrompus : sans compter les petits bateaux de leurs petits complices...

Mais toi, ma chère France à la devise aussi suggestive qu'un slogan et... plus prometteuse qu'une constitution, ne fais pas comme d'habitude en lisant ces lignes. Mets de côté ton chauvinisme légendaire, ne te console pas des malheurs des autres et, surtout, ne te crois pas à l'abri.

Bonne fin d'année et bonne constitution à tous.

____________________

(*) La vita è bella, à ne pas confondre avec La dolce vita de Fellini...

 

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