FO, FOR ME FORMIDABLE...
Ainsi pourrait-on chantonner à la manière d'Aznavour, jeune homme de 92 ans, en hommage à Dario Fo qui, lui, vient de nous quitter à 90 printemps.
Car voilà le problème avec des gens comme Umberto Eco, Ettore Scola ou Dario Fo : ils ne veulent pas être immortels. Ils nous laissent comme ça et, trop souvent, juste au moment où l'on aurait le plus besoin d'eux.
Mais - consolation aussi maigre que notable - quittant ce bas monde en cette année 2016 décidément bien meurtrière, ces trois grands Italiens nous ont laissé leurs œuvres, leurs empreintes et, dans le cas de Dario Fo, même un Prix Nobel (*).
Voilà des compatriotes qui ont fait avancer l'humain bien au delà de leur pays !
Ah, Dario Fo, dernier protagoniste de cette série noire...
Ce trublion, ce giullare, cet ébranleur de mythes a bien mérité sa consécration après une exécration (ou, si l'on préfère, une mise au ban médiatico-politique) qui ne l'a pas empêché de tirare dritto par d'autres chemins et en excellente compagnie : celle d'une talentueuse et ravissante Franca Rame partie avant lui après avoir été son coauteur, sa partenaire sur scène et, bien entendu, sa courageuse compagne d'une vie bien engagée. Sans oublier leur fils Jacopo, digne héritier d'un si rare couple...
Que pourrait-on rappeler de Dario Fo sans trop répéter ce qui a déjà été dit ou écrit à l'occasion de sa disparition ? Sans doute quatre vers de sa chanson Ho visto un re - censurée par la RAI en 1968 (68 !) - soulignant si bien l'écart entre les puissants et leurs sujets, ces derniers ne pouvant oser pleurer car... leurs larmes font mal au roi !
... e sempre allegri bisogna stare
che il nostro piangere fa male al re
fa male al ricco e al cardinale
diventan tristi se noi piangiam !
Ce qui donne plus ou moins :
... et nous devons toujours être gais
puisque nos pleurs font mal au roi
font mal au riche et au cardinal
ils deviennent tristes si nous pleurons !
Rien à voir avec notre époque se voulant bien plus républicaine, laïque et égalitaire ? Pas si sûr ! L'impératif socio-publicitaire n'est-il pas aujourd'hui de "positiver" malgré le chômage, la droitisation de la politique et autres délices de ce début de millénaire ?
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(*) Prix Nobel de littérature 1997 « pour avoir, dans la tradition des bateleurs médiévaux, fustigé le pouvoir et restauré la dignité des humiliés »