MARIANNE OU LA LIBERTÉ

Elle n'est pas toujours là, ou se cache parfois pour ne pas être dérangée. Dans cette grande brocante azuréenne, elle apparaît quand elle veut pour m'accompagner, salle après salle, jusqu'à l'étage des chaises de bistrot et des enseignes d'après-guerre. Elle m'attend quand je m'arrête et, si je lui fais une caresse, frotte son joli museau contre mon pantalon. Puis, d'un coup, elle disparaît on ne sait où.

Elle n'appartient pas au brocanteur, qui ignore sa provenance et l'appelle tout simplement « la chatte ». Ce vocable ô combien détourné de son sens propre me paraissant plutôt inconvenant pour une si gentille bestiole, j'ai baptisé ma nouvelle copine Marianne.

En ce temps d'élections présidentielles où d'aucuns ne font qu'évoquer les Valeurs de la France, ce prénom qu'on aurait tort de considérer trop conventionnel m'a semblé le plus fondé à indiquer l'amour de la liberté que l'adorable félin partage, comme chacun sait, avec mon pays d'adoption.

Un pays qui m'est quand même très cher, et si je dis quand même, c'est parce que j'avoue ne pas trop apprécier certains Gaulois plus ou moins de souche qui, plutôt qu'accueillir l'Autre et éventuellement lui suggérer - surtout par l'exemple - leurs fameuses Valeurs, préfèrent le rejeter en raison d'une prétendue « identité nationale ».

Heureusement pour nous, d'autres clament haut et fort que la France a été aussi faite - et même défendue - par des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Polonais, des Africains...

Pour revenir à ma Marianne et à son accueil dans "sa" brocante, elle me fait sentir chez moi, même si elle n'est pas vraiment chez elle ; et lorsque je l'appelle très doucement par son nouveau prénom, elle me répond par un miaulement qui est, lui aussi, on ne peut plus caressant...