A VOTÉ

Voilà qui est fait, la France a voté. Des deux finalistes à la présidentielle, elle a préféré celui qui, dans mon cliché de l'entre-deux-tours niçois, paraît pourtant le plus "effacé". Et c'est évidemment tant mieux.

Le pays des Droits de l'Homme a dit non à l'intolérable intolérance, à l'« on est chez nous » crié aux meetings, à ces coqs qui ne se voudraient que gaulois.

Mais, dès le premier tour, les Français ont dit aussi non, hélas, au retrait de la Loi Travail et, surtout, à ce Revenu Universel proposé par Benoît Hamon et auquel, il y a déjà quelques décennies, un certain... Erich Fromm attribuait un formidable pouvoir de libération du citoyen à l'égard de ses « patrons ».

« L'essentiel de cette idée », écrivait ce psychanalyste humaniste qui a été, avec Adorno et Herbert Marcuse, un des premiers représentants de l'École de Francfort, « est que tous les individus, qu'ils travaillent ou non, auront le droit inconditionnel de ne pas mourir de faim et de ne pas être sans abri. Ils recevront juste ce qu'il faut pour se sustenter, mais n'en recevront pas moins […] Le domaine de la liberté individuelle serait considérablement élargi par une telle loi ; aucune personne économiquement dépendante d'une autre (d'un père, d'un mari, d'un patron) ne serait plus obligé de se plier au chantage de la faim » (Erich Fromm, Avoir ou Être ?, Robert Laffont, Paris, 1978).

La vraie liberté ne serait-elle pas, en effet, celle qui délivre du besoin en dégageant, en même temps, plus de temps et d'énergies pour la pensée ?

Cette vraie liberté découlant du revenu universel devra donc mieux être comprise, dans les jours, mois ou années à venir, même par une certaine gauche aussi peu convaincue par cette évidence que peu convaincante par ses excès de personnalisme. Pour la promouvoir au delà des élections législatives et des étiquettes politiques, il est sans doute temps de se mettre en mouvement plus qu'en marche.