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MA MAISON SUR LA CÔTE D'AZUR
24 mars 2013

LA DÉCEPTION

DÉCEPTION

À la question « Avez-vous déjà été victimes de déceptions ? », « Bien sûr que oui ! », serait sans doute votre réponse en tant que personnes normalement constituées et, surtout, soumises aux durs impératifs de la condition humaine.

Une deuxième interrogation - « Quand avez-vous éprouvé votre première déception ? » - aurait, elle, des répliques plus hétérogènes : « Dans ma plus tendre enfance ! », « Dès l'âge de raison ! » ou « C'était pendant mon adolescence ! », répondriez-vous peut-être, étendant cet éventail jusqu'à l'âge mûr et, pour les plus chanceux, même à la vieillesse.

Quant à la troisième question - « Par quel genre de déceptions avez-vous été atteints ? » - qu'entraîneraient logiquement les deux premières, « Vous êtes bien curieux », auriez-vous raison de riposter.

Mieux vaut donc ne pas poser cette question, d'autant plus que l'on peut aisément imaginer les mécontentements les plus communs, et que le but de cette introduction, c'est plutôt d'identifier "la" plus grande déception susceptible de frapper le genre humain.

Balayons donc d'un revers de main les petites contrariétés, comme celle de ne pas être un milliardaire de bel aspect et en parfaite santé, et glissons également sur d'autres récriminations assez répandues : par exemple celle de ne pas jouir du statut d'immortel (ne pensiez-vous pas l'être, lorsque vous étiez jeunes et bien portants ?) ou l'autre, concernant ces évidents défauts de la création rendant la vie si dure.

Sans compter la déception de constater que pour certains professionnels de la politique, celle-ci est moins un service au citoyen qu'un confortable fauteuil à garder précieusement ; ou le désappointement, un peu plus terre-à-terre, d'avoir consommé de la viande de cheval sans le savoir.

Ce à quoi je pense, ce n'est pas non plus la déception d'un jeune face au « marché » du travail, d'un artiste engagé à l'égard du monde de l'art et du spectacle, ou d'un auteur vis-à-vis de son éditeur.

"La" déception à laquelle je fais allusion - la plus grande et brûlante, celle qui vous assène un coup de massue dont il est aussi difficile qu'indispensable de se remettre - est a mio modesto avviso la trahison.

Mais, ne pensez surtout pas à la trahison amoureuse ni à celle de la Patrie, qui sont effectivement considérées (la première pour sa fréquence, la seconde pour la sacralisation du mot « Patrie ») comme les trahisons par excellence.

Je parle d'une autre forme de félonie qui, sur le plan moral ou tout simplement humain, me semble bien plus honteuse et répréhensible.

Cette trahison, c'est de ne pas défendre, malgré ses attributions et ses devoirs (institutionnels, politiques, judiciaires, syndicaux, médiatiques ou autres), le persécuté du persécuteur, l'exploité de l'exploiteur, le harcelé du harceleur.

Et, cela, pour convenance personnelle, pour ne pas troubler l'« ordre établi » et/ou ne pas déplaire à l'auteur (presque toujours un "puissant") de ces persécutions, de ces injustices, de ces vexations.

Il s'agit là d'une trahison qui mérite d'autant plus son nom qu'elle est souvent accompagnée d'une fausse empathie envers la victime, ainsi que de manifestations de combativité encore plus hypocrites à l'égard de l'oppresseur.

Et ce dernier ?, pourrait-on alors se demander. Ne faudrait-il pas s'en prendre plus au persécuteur qu'aux prétendus défenseurs des persécutés ?

Se poser cette question, c'est ignorer que les faux amis sont plus redoutables que les vrais ennemis : ne dit-on pas, en Italie, Dai nemici mi guardo io, dagli amici mi guardi Dio (plus ou moins : je me protège de mes ennemis, mais je compte sur Dieu pour me protéger de mes amis) ?

Un faux protecteur, c'est le meilleur allié du persécuteur ; et son inaction ne fait qu'augmenter l'arrogance ou la violence de ce dernier à l'égard de la victime. On peut même affirmer que son attitude légitime cette arrogance ou cette violence : pourquoi, en effet, l'oppresseur devrait-il se sentir coupable de quoi que ce soit si même le défenseur se moque de celui ou celle qu'il est censé protéger ?

Au delà du degré d'ignominie attribuable à l'oppresseur ou au pseudo-défenseur, il convient donc de souligner que la situation de leur victime est, dans ces conditions, souvent désespérée et peut même conduire à des réactions extrêmes... auxquelles il ne faut absolument pas céder.

Sans forcément cautionner l'« opium des peuples » que sont parfois les religions officielles, certains pourraient proposer à cette victime, qu'elle soit croyante ou non, une consolation pour ainsi dire "transcendante" : l'espoir d'un ailleurs où les comptes seraient vraiment réglés, un « au-delà » dans lequel ceux qui n'ont pas grand chose à se reprocher seraient récompensés, alors que les arrogants - et leurs soutiens plus ou moins lâches - répondraient enfin, d'une manière ou d'une autre et sans forcément se référer à l'Enfer dantesque, de leurs méfaits ou de leur couardise.

Mais, au fond, mieux vaut se défendre et rester combatif hic et nunc : d'autant plus que même ici-bas, ces arrogants ou ces lâches pourraient un jour (cela arrive plus souvent qu'on ne le pense, même aux esprits les plus coriaces), être frappés par une "sanction" bien fastidieuse : la survenance, en leur fort intérieur, de quelque chose qui les empêcherait de dormir sur leurs deux oreilles - comme on dit - ou de se regarder dans la glace sans ressentir un profond et insoutenable dégoût.

C'est ce qu'on appelle aussi un remords ou, chez les croyants, une (mauvaise) conscience que ne saurait vraiment "laver" une absolution accordée par une Église si souvent indulgente envers les puissants.

Et si une telle atroce sensation se prolongeait vraiment dans une éventuelle vie éternelle dont on ne peut prouver l'existence ni... l'inexistence ? Alors que leurs victimes accéderaient enfin (après une longue vie quand même) à la consolation qu'on évoquait, il y a fort à parier que les oppresseurs et leurs soutiens trouveraient cette éternité démesurément longue...

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