CUI PRODEST PARIS ?

Au collège je n'étais pas trop mauvais en latin : ce qui, au fil des années, ne m'a pas empêché de presque tout oublier d'une langue que l'on dit morte bien qu'elle soit encore vivante au cœur de tant d'idiomes.

Plus tard, au lycée puis à l'université, une autre matière avait davantage capté mon intérêt. C'était le droit, dont je retiens encore quelques notions de base. Par exemple, ce fameux "Cui prodest" (version complète : "Cui prodest scelus, is fecit", plus ou moins "le crime a été commis par celui qui en profite") guidant toujours nombre d'investigateurs dans la recherche du coupable.

Le latin revenait donc, sous forme de droit, au citoyen du monde que j'étais devenu : un jeune imaginant une humanité plus fraternelle, dans un monde plus juste visant l'universel. Ce sont là, hélas, des années désormais assez lointaines.

Mais aujourd'hui, mes cheveux virant décidément au blanc sans doute à cause d'une fin d'année marquée par les "événements" ou "faits" de Paris – c'est ainsi qu'on appelait également la guerre d'Algérie –, je me demande s'il ne faudrait pas ressusciter ce fameux "Cui prodest", pour s'interroger sur les possibles (et sans doute véritables) bénéficiaires de telles abominations.

Ne disposons-nous pas, en effet, d'assez d'éléments nous permettant d'imaginer, plutôt qu'un Dieu assoiffé de sang mécréant, d'autres sujets ayant probablement intérêt à semer la zizanie parmi les humains ? Il n'est peut-être pas interdit de supposer que la terreur et ce qui en découle (peur de l'autre, guerre de religions, privilégiés de la planète refusant d'accueillir ses exclus, mesures exceptionnelles plus ou moins justifiées) puisse plutôt profiter aux ennemis de la démocratie, aux autocrates en quête de réhabilitation, aux marchands d'armes et de haine, aux partisans du "diviser pour mieux régner", aux fossoyeurs de revendications sociales n'ayant plus la cote « parce qu'il y a bien plus grave » ou, last but not least, aux défenseurs d'une mondialisation politique, sociale, économique et culturelle qu'il faudrait à tout prix sauver même si elle ne fait que propulser l'humanité entière contre le mur...

Comme pour Charlie, soyons tous Paris, évidemment. Comment pourrait-on ne pas l'être, face à ces horribles "faits" commis par des gens qui – un certain Jésus-Christ dixit – ne savent sans doute pas ce qu'ils font, ni à qui profitent vraiment leurs crimes ?

Prendre la Tour Eiffel comme symbole de notre solidarité, ça va donc de soi. Mais quant aux tricolores aux fenêtres, sommes-nous sûrs qu'une déferlante bleu-blanc-rouge au goût plutôt nationaliste soit la meilleure réponse, humaniste et universelle, à l'ignominie et à l'obscurantisme ?, Ne vaudrait-il pas mieux voir flotter, sur nos balcons comme sur la Tour Eiffel, un grand drapeau arc-en-ciel, celui de la Paix ?

P.S. – J'oubliais presque... et si, au nom de cette Paix, nous nous souhaitions malgré tout un bon vieux "Joyeux Noël" près d'un sapin qui, pour une fois, ressemblerait à celui que l'on peut admirer dans la Bibliothèque Louis Nucéra de Nice ? Un "Arbre de la Culture" du plus bel effet, nous rappelant combien les bons livres pourraient nous épargner bien des erreurs...