MORTS ET MORTS
Entre fin octobre et début novembre, les idées sont plutôt confuses en matière de festivités et de célébrations. Halloween ? Toussaint ? Commémoration des défunts ? Après tout qu'importe, puisqu'il y a les vacances scolaires, qu'on peut s'éclater déguisé en fantôme et que les marchands de squelettes et toiles d'araignées font de bonnes affaires.
Si ma mémoire sicilienne me renvoie au Giorno dei Morti, ce 2 novembre où l'on achète des poupées de sucre et les enfants reçoivent ‒ bien avant Noël ‒ des jouets envoyés par les disparus de la famille, une balade niçoise me suggère que même ici, dans cette ville de mer et de soleil, on sait encore se souvenir d'un tout autre genre de défunts.
De nombreuses plaques commémorent en effet le sacrifice des opposants au nazi-fascisme et, au cours d'un insoucieux shopping, footing ou autre "-ing", le Niçois de souche, d'adoption ou occasionnel peut même tomber – en pleine place Masséna – sur de bien attristantes inscriptions : deux Résistants furent ici pendus, et restèrent exposés, « pour avoir résisté à l'oppresseur hitlerien ».
Ce fut en 1944 – donc hier – au nom d'une liberté inscrite, elle, dans le marbre d'une devise française quelque peu oubliée.
En se promenant aujourd'hui librement dans cette même place, le flâneur non totalement abruti par d'éventuels excès d'évasion azuréenne pourra s'arrêter devant cette plaque si imprévue dans un contexte urbain aussi distrayant que branché.
D'autres badauds voudront sans doute savoir ce qu'il est en train de lire et, la déchiffrant à leur tour, imagineront peut-être un spectacle plus atroce que le pire déguisement d'Halloween.
Certains pourront même faire le rapport avec l'effrayant retour du nationalisme dans des pays pas si lointains, et sauront probablement s'inquiéter de la réincarnation de ce mal.
Ce qui, incontestablement, ne pourra que leur faire du bien.